Les Nouvelles Religions alimentaires by Cohen Jean-Michel

Auteur:Cohen, Jean-Michel [Cohen, Jean-Michel]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Flammarion
Publié: 2014-09-14T22:00:00+00:00

La peur de la mort ne cesse de croître

De nos jours, ce n'est pas le fait que les gens se préoccupent de leur alimentation pour vivre plus longtemps qui est remarquable, mais l'importance que celle-ci revêt désormais dans les modes de vie, comme si la peur de la mort devenait beaucoup plus forte qu'auparavant. Vouloir maîtriser absolument la durée de son existence est une autre façon d'exprimer sa crainte. Disparu, le paradis éternel, finie, la destinée construite par Dieu, seuls vont compter les éléments scientifiques qui nous permettront d'agir sur la longévité. C'est aussi en cela que l'alimentation est en passe de devenir une nouvelle forme de religiosité.

Un exemple me semble instructif.

Les professeurs de yoga Sivananda disposent de manuels de formation, qui leur expliquent comment s'alimenter. Ce type d'alimentation est traditionnellement lacto-végétarien, considérant « l'effet subtil que la nourriture pourrait avoir sur l'esprit et le prana ». Citons l'introduction à l'alimentation yoguique, imaginée par le Swami Vishnu Devananda : « Nous sommes constamment bombardés de stimuli, et ils constituent l'alimentation de notre style de vie. La nourriture que nous absorbons, l'air que nous respirons, les objets que nous voyons, sentons, entendons, et touchons, tout cela forme notre environnement, et à son tour cela influence et façonne profondément notre environnement interne. Nous sommes littéralement ce que nous mangeons, parce que l'esprit est constitué des parties les plus subtiles de notre alimentation et notre corps est constitué du reste de ce que nous ingérons. Atteindre le but de la vie, trouver le comportement et la perfection : cela requiert un esprit paisible et concentré. Contrôler l'esprit est difficile puisqu'en réalité il est pour un grande part sous le contrôle du corps physique. Nous devons donc d'abord discipliner et contrôler le corps physique avant de contrôler l'esprit. L'alimentation joue un rôle important dans ce processus. »

Pourquoi reproduire ce passage ? Parce que cette introduction – alors que je ne pratique pas cette philosophie, je le précise – résume remarquablement la relation entre l'homme et son environnement, la relation entre le psychisme et le physique que nous avons, aujourd'hui, opposés l'un à l'autre, notamment par l'exercice physique devenu une exigence hygiénique et morale agressive. En revanche me semble plus surprenant de voir qu'à partir de cette introduction intelligente le propos final aboutit à prôner une alimentation de type végétarienne, fondée sur l'idée que les hommes seraient plus proches des animaux herbivores que des carnivores, en raison de la longueur de leur tube digestif, et du fait que les carnivores aient des griffes déguisées et des mâchoires puissantes et pas l'homme… Une théorie qui va à l'encontre de la brillante démonstration proposée en introduction et invraisemblable d'un point de vue entomologique. Comme quoi…

Certains préceptes indiqués font le lit des rumeurs actuelles : « Ne mangez pas de nourriture trop chaude, trop froide », « Ne vous forcez pas à manger quoi que ce soit que vous n'aimez pas, mais ne vous contentez pas de ne manger que ce que vous préférez », « Évitez de

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